L’une des discussions les plus importantes dans la marche vers la démocratie est celle de l’égalité ou de l’inégalité des intelligences. Le discours qui oppose le danger du populisme à celui de l’élitisme à l’échelle d’une nation. L’idée de prendre le peuple pour un con et de vouloir, à tout prix, en s’abaissant à son niveau, lui inculquer juste assez d’intelligence, pour qu’il puisse accomplir son devoir fondamental de citoyen dans toute démocratie qui se respecte : le vote électoral... Comme si cette idée de l’inégalité des intelligences était un horizon indépassable dans nos démocraties modernes et occidentales.
En réalité, on se méprend souvent à trop juger l’intelligence du grand public. Si le peuple adhère à une idéologie dite “populiste”, c’est rarement parce qu’il n’est pas intelligent, qu’il manque de connaissances, ou même qu’il la croit vraie. C’est que cette idéologie lui plait.
Descartes disait, non sans une certaine ironie, que le bon sens est la chose la mieux partagée au monde. S’il y a bien une chose que tout le monde partage, que l’on soit cultivé ou analphabète, quelque soit notre éducation ou notre classe sociale, c’est la capacité de comprendre et de reconnaître un argument simple, clair et logique. On se laisse volontiers convaincre par celui qui use du bon sens. C’est notre langage commun.
D’ailleurs, la théorie de l'inégalité des intelligences comme élément structurant de la société n’a jamais été scientifiquement prouvée. Le bon sens nous invite donc à considérer le principe de l'égalité des intelligences non pas comme un but à atteindre en démocratie, mais comme un point de départ. Considérer, dès le départ, que tout le monde est assez intelligent pour comprendre la politique - pour peu qu’on prenne le temps de bien expliquer - et est, par conséquent, capable de donner son avis sur les affaires publiques (politiques, sociales et culturelles).